Depuis la Renaissance, le sang a été tour à tour considéré comme remède et vecteur pathogène. Si la transfusions sanguines est aujourd’hui un geste courant, elle n’est pas sans risques. En l'absence d'incompatibilité transfusionnelle, deux complications graves retiennent particulièrement l’attention : le TRALI (Transfusion-Related Acute Lung Injury) et le TACO (Transfusion-Associated Circulatory Overload).
Ces deux entités sont des formes d’oedèmes aigus pulmonaires (OAP), mais aux origines physiopathologiques distinctes : l’une inflammatoire, l’OAP lésionnel, l’autre hydrostatique, l’OAP de surcharge.
Le TRALI est une forme d'œdème pulmonaire lésionnel qui représente l'une des deux principales causes de décès liées aux transfusions sanguines. Il résulte d'une réaction immunologique induite par des anticorps présents dans le produit sanguin transfusé, qui provoquent une inflammation alvéolaire et une altération de la perméabilité capillaire pulmonaire. Le tableau peut survenir au cours de la transfusion ou dans les 72 heures qui suivent son achèvement.
La symptomatologie comprend une hypoxémie aiguë, sans signe de surcharge circulatoire, un tableau clinique d'oedème pulmonaire bilatéral associant toux, dyspnée, désaturation, cyanose, tachycardie, hypotension et parfois hyperthermie.
Le TRALI est donc défini comme un SDRA (syndrôme de détresse respiratoire aigu) survenant dans les 6 à 72 heures suivant la fin de la transfusion d’un produit sanguin et dont toute autre cause a été écartée.
Le diagnostic est donc purement clinique et radiologique, reposant sur la conjonction de trois éléments : Apparition d’un œdème pulmonaire, en l’absence d’évidence d’élévation de la pression auriculaire gauche et survenant au cours ou au décours d’une transfusion.
Le TACO est un œdème pulmonaire secondaire à une surcharge volémique, généralement causée par l'administration trop rapide d'une transfusion sanguine. C'est l'autre principale cause de décès imputable aux transfusions.
Le TACO survient typiquement dans les 6 heures suivant la transfusion, mais des cas peuvent se manifester jusqu'à 12 heures après, particulièrement en cas de transfusions massives.
Les symptômes incluent une polypnée, cyanose, orthopnée, toux, parfois accompagnée d'expectoration mousseuse rosée, hypertension artérielle, céphalées, oppression thoracique, et râles crépitants bilatéraux. On retrouvera classiquement une augmentation des BNP chez ces patients.
Certains patients présentent un risque accru de développer un TACO, notamment les personnes âgées de plus de 70 ans, en raison de la dysfonction diastolique du ventricule gauche.
D'autres facteurs de risque incluent des antécédents de pathologies cardiaques, une altération de la fonction systolique ou diastolique du ventricule gauche, une insuffisance cardiaque, des valvulopathies (notamment les sténoses aortiques ou mitrales), et l'hypertension artérielle.
La gestion du TACO repose sur une prévention rigoureuse, notamment chez les patients à risque. Il est recommandé de fractionner les transfusions et d'administrer le sang lentement, à un rythme d'environ 2 mL/kg/h. Une surveillance clinique étroite des paramètres vitaux doit être réalisée pendant toute la durée de la transfusion et jusqu'à 12 heures suivant son achèvement.
En cas de risque accru de surcharge, des diurétiques de l'anse peuvent être administrés entre deux poches de transfusion, bien que leur efficacité systématique pour la prévention du TACO fassent encore l'objet de débats. Leur utilisation doit être réservée aux patients présentant déjà des signes de surcharge ou de défaillance cardiaque.
Conclusion
La transfusion sanguine comporte des risques significatifs, notamment le TRALI et le TACO, qui nécessitent une vigilance particulière. Bien que ces conditions soient des œdèmes aigus du poumon, leurs mécanismes physiopathologiques sont distincts et requièrent des approches thérapeutiques spécifiques.
La distinction entre TRALI et TACO repose notamment sur l'auscultation, la tension artérielle, les BNP (si disponibles), et la réponse au traitement diurétique.
Une meilleure compréhension des facteurs de risque et des mécanismes sous-jacents à ces événements transfusionnels est essentielle pour optimiser la prise en charge des patients. De plus, une évaluation clinique rigoureuse et une surveillance attentive durant et après la transfusion sont indispensables pour prévenir et traiter efficacement ces complications.
LES POINTS CLÉS
La transfusion sanguine comporte des risques importants, notamment le T.R.A.L.I. et le T.A.C.O., qui nécessitent une identification rapide et une gestion appropriée.
TRALI = SDRA post-transfusionnel immunologique = Œdème pulmonaire bilatéral non cardiogénique, dans les 6h après transfusion, sans cause alternative.
TACO = surcharge volémique transfusionnelle =
Œdème pulmonaire hydrostatique avec signes de surcharge : HTA, orthopnée, crépitants, réponse aux diurétiques.
TRALI et TACO ≠ traitement identique :
TRALI = arrêt transfusion, support O₂, soins intensifs. TACO = ralentir transfusions, diurétiques, surveillance hémodynamique.
Prévention du TACO :
transfusion lente (2 mL/kg/h), évaluation cardiaque préalable, prudence chez les sujets âgés ou cardiaques.