La gelure est une lésion tissulaire causée par une exposition prolongée à des températures extrêmement basses, souvent inférieures ou proches de 0°C, entraînant une nécrose cellulaire par ischémie et par formation de cristaux de glace dans les tissus. Les zones les plus affectées sont typiquement les extrémités (doigts, orteils, nez, oreilles), où la vasoconstriction en réponse au froid entraîne une diminution de la perfusion sanguine, accentuant le risque de lésion tissulaire.
Bien que la physiopathologie puisse être comparable, les gelures ne sont pas médicalement considérées comme des brûlures (Il existe 5 mécanismes lésionnels de brûlures).
L’expression courante « brûler une verrue » est un abus de langage (il faut dire «traiter par cryothérapie une verrue»).
Les gelures se manifestent initialement par une zone de peau froide, blanchâtre, indurée et engourdie (ou paresthésiée). Lors du réchauffement, cette zone prend un aspect rougeâtre, tacheté, œdématié et devient douloureuse, avec libération de cytokines inflammatoires qui exacerbent les lésions tissulaires. Des phlyctènes apparaissent dans les heures suivant le réchauffement (environ 4 à 24 heures), en fonction de la sévérité de la lésion : des phlyctènes à contenu clair sont souvent associées à des lésions plus superficielles, tandis que des phlyctènes hématiques peuvent indiquer une atteinte plus profonde, susceptible d’entraîner des pertes tissulaires.
Dans les cas graves de gelure avec atteinte des tissus profonds, une gangrène sèche peut se développer, formant une carapace noire et dure recouvrant le tissu encore viable. Parfois, une gangrène humide, caractérisée par un aspect grisâtre et œdémateux, peut apparaître et présente un risque infectieux accru. Un syndrome compartimental (ou syndrome des loges) peut également se produire, nécessitant une intervention rapide.
Les séquelles des gelures incluent des troubles trophiques, des anomalies de la croissance des ongles, des symptômes neuropathiques chroniques, une hypersensibilité au froid, une sudation excessive et des paresthésies. Les gelures graves (stades 3 et 4) peuvent nécessiter une amputation, bien que cela reste rare.
Le diagnostic de la gelure repose principalement sur l’examen clinique, mais dans les cas graves ou douteux, des examens d’imagerie (scintigraphie osseuse, IRM) peuvent être utilisés pour évaluer l’étendue des lésions et prédire leur évolution. Le réchauffement s’effectue dans une eau tiède (37 à 39 °C) contenant une solution antiseptique diluée (Dakin®, Bétadine® à 1/10) pendant environ 60 minutes. Une fois le réchauffement complété, la cyanose résiduelle permet d’évaluer la gravité et de classer les gelures en quatre stades.
Traitement en fonction des stades :
- Stades 1 et 2 : Le traitement est ambulatoire.
Il comprend des pansements gras pour maintenir l’humidité des plaies, l'administration d'antiagrégants plaquettaires, et un suivi spécialisé. Des vasodilatateurs peuvent être prescrits pour améliorer la perfusion tissulaire.
- Stades 3 et 4 : Ces stades nécessitent une hospitalisation.
Le traitement inclut la perfusion de vasodilatateurs (Ilomédine) et d’antiagrégants plaquettaires intraveineux, une anticoagulation par héparine de bas poids moléculaire si gelure aux membres inférieurs, une antibiothérapie prophylactique en cas de plaies, et un vaccin antitétanique.
Des pansements gras ou argentiques (Flammazine®) sont recommandés en cas de suspicion d'infection, et une scintigraphie osseuse est parfois utilisée pour évaluer l’étendue des lésions. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent également être administrés pour réduire l’œdème inflammatoire, qui s’il est circulaire, pourrait compromettre la vascularisation.
Tout patient ayant présenté des gelures, quel que soit le stade, ne doit pas s’exposer au froid pendant une période d’1 an.
Traitements émergents
Bien que l’oxygénothérapie hyperbare soit parfois proposée comme traitement complémentaire des gelures graves, les données probantes restent limitées. Son utilisation est donc réservée aux cas particulièrement sévères et évaluée au cas par cas.
Conclusion
Les gelures, en particulier des stades 1 et 2, sont fréquemment rencontrées dans les services d’urgence des régions de montagne.
À noter : en pratique, la gelure la plus fréquente observée aux urgences est iatrogène, liée à une application prolongée de glace dans un but antalgique.
Bien que les gelures graves (stades 3 et 4) soient plus rares, elles peuvent entraîner des complications importantes, notamment des séquelles fonctionnelles invalidantes et des amputations dans certains cas.