En formation comme en pratique, on apprend généralement que la tension artérielle se mesure habituellement chez un patient allongé ou en demi-assis. Cette habitude laisse penser que la posture influence directement la valeur tensionnelle, et que la mesurer debout ou assis donnerait systématiquement des chiffres différents. C’est en fait une idée reçue : si la posture a bien un effet transitoire sur la circulation, la pression artérielle se stabilise très rapidement grâce aux mécanismes de régulation.
Généralités
La pression artérielle dépend du débit cardiaque (Qc = Fréquence cardiaque X volume sanguin) et des résistances périphériques. Lorsque le patient change de position, c’est le retour veineux qui est modifié par la gravité :
- En décubitus, le sang retourne aisément vers le cœur, la précharge (volume sanguin dans le cœur gauche) est maximale.
- En position debout, une partie du sang “s’accumule” dans les jambes et l’abdomen, ce qui diminue transitoirement la précharge et donc le volume d’éjection systolique (volume de sang éjecté à chaque contraction cardiaque).
Le lever entraîne une chute immédiate de la pression artérielle systolique lors du lever.
Compensation et équilibre
Toutefois, ce phénomène est indétectable pour nos appareils de mesure externe. En quelques secondes, les barorécepteurs de la crosse aortique et du sinus carotidien détectent cette baisse. Ils déclenchent une réponse sympathique : tachycardie et vasoconstriction périphérique, ce qui restaure le débit cardiaque et normalise la pression artérielle.
Chez un sujet sain, la systolique mesurée en décubitus, assis ou debout reste donc quasiment identique si la prise tensionnelle est faite après maintien de la position plusieurs secondes.
Il existe toutefois une exception pathologique à cette vérité.
Quand l’équilibre ne se fait pas
L’exception est l’hypotension orthostatique, situation où la compensation est insuffisante (sujets âgés, hypovolémiques, diabétiques avec neuropathie autonome, patients sous certains traitements, dysautonomie). Dans ces cas, la chute tensionnelle persiste au-delà des premières secondes et devient pathologique. Mais il s’agit d’une condition particulière, non de la norme.
Pour confirmer une hypotension orthostatique, on réalise un test de recherche d’hypotension orthostatique (RHTO ou test de Schellong). Il consiste à mesurer la tension artérielle successivement en décubitus, en position assise puis debout. Le test est considéré comme positif lorsqu’une baisse significative de la pression artérielle systolique est objectivée au lever, ce qui permet d’affirmer le diagnostic.
Application aux urgences
L’idée que la posture “fait varier la tension” n’a donc pas de fondement en dehors de l’hypotension orthostatique. Ce qui doit guider la posture du patient n’est pas la crainte d’une variation tensionnelle, mais la tolérance respiratoire (semi-assis en cas de dyspnée), la stabilité hémodynamique (décubitus strict en état de choc), et le confort global (ne pas déclencher de douleur avant une prise tensionnelle).