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Les noyades en eaux douces et salées

 

 

On peut se noyer dans un verre d'eau...

 

 

 

Chaque année en France sont recensées plus de 1 500 noyades entraînant au moins 30 % de décès. Chaque été, environ 500 enfants sont concernés par des incidents de noyade. Les enfants de moins de 6 ans représentent un quart des noyades accidentelles, la majorité se produisant dans des piscines privées familiales.

En termes d'environnement aquatique, 65 % des noyades surviennent en eaux douces ;  toutefois, le taux de mortalité est plus élevé pour les noyades en mer, principalement en raison du délai d'intervention plutôt que de l'impact spécifique de l'eau salée. Sur le plan médical, la prise en charge des noyades en eau douce diffère de celle des noyades en eau salée. Les noyades en eau douce et en eau salée sont considérées comme présentant des caractéristiques physiopathologiques distinctes.

 

Physiologie

Le phénomène de noyade se définit comme une asphyxie aiguë résultant d'une inondation des bronches et des alvéoles pulmonaires, suite à une immersion ou une submersion dans un liquide. 

Lors d’une noyade, plusieurs mécanismes physiologiques sont perturbés. 

  • Le surfactant, une substance qui aide à réduire la tension superficielle dans les alvéoles, peut être inactivé par la présence d'eau. Cela peut conduire à une atélectasie, ou collapsus alvéolaire, ce qui augmente la résistance pulmonaire et diminue la capacité respiratoire pulmonaire. 
  • L'inondation des alvéoles et l'augmentation de la perméabilité des cellules endothéliales provoquent un œdème pulmonaire, ce qui entraîne une accumulation de liquide dans les espaces interstitiels et alvéolaires. Cela affecte les échanges gazeux, entraînant une hypoxémie.
  • Enfin la noyade provoque une hypercapnie (accumulation de CO2) et donc une acidose respiratoire, en plus de l'acidose métabolique potentielle, aggravant la défaillance respiratoire et circulatoire.

 

Conséquence de la noyade sur les différents organes 

Conséquences sur l’appareil circulatoire

Eau douce : L’eau douce serait susceptible d’altérer, d’une façon plus marquée, les propriétés du surfactant par rapport à l’eau salée.

Eau salée : L’inhalation d’eau salée peut s’accompagner d’une majoration du volume intra-alvéolaire (transfert osmotique). L'osmose provoque une déshydratation cellulaire, ce qui peut entraîner un œdème pulmonaire à la suite de l'accumulation de liquide dans les alvéoles. Ce processus peut provoquer une acidose métabolique et respiratoire. L'eau salée peut également causer une irritabilité des voies respiratoires et une réponse inflammatoire plus marquée à cause d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (S.D.R.A) secondaire.

Quelle que soit la nature du liquide, les altérations alvéolo-capillaires entraînent un œdème lésionnel ainsi que des anomalies du rapport ventilation/perfusion.

 

Conséquences cardio-vasculaires

Lors de l’immersion d’un corps, même jusqu’à la ceinture, il existe une redistribution sanguine vers le thorax par compression des membres inférieurs. Cela génère la synthèse du peptide natriurétique (B.N.P.). Ces peptides natriurétiques ont à la fois des effets natriurétiques, diurétiques mais augmentent également la perméabilité vasculaire et pourraient ainsi majorer un œdème pulmonaire existant. Ce sont eux (ainsi que l’hypothermie relative) qui majorent la diurèse quand vous allez dans l’eau.

 

Conséquences cérébrales

L’altération de l’hématose entraîne une hypoxie touchant le cerveau en premier lieu. La perte de connaissance est très fréquente au cours de la noyade. Plusieurs études ont montré que les séquelles neurologiques étaient nulles chez les patients qui arrivaient avec un score de Glasgow (G.C.S.) à 15 aux urgences, inférieures à 10 %  quand le G.C.S. était compris entre 10 et 15 et atteignent presque 25% pour un G.C.S. inférieur à 8. Les phénomènes d’ischémie-reperfusion sont alors au-devant de la scène avec constitution d’un œdème cérébral majeur difficile à juguler.  

 

Conséquences métaboliques et électrolytiques

Eau douce : La dilution rapide des électrolytes peut provoquer une hyponatrémie (baisse du sodium sanguin) et une hypervolémie

Eau salée : L’inhalation d’eau salé en grande quantité entrainerait  une hypernatrémie et une hypovolémie.

Toutefois ces données sont théoriques et établi par modèles animaux. Ils sont peu retrouvés en pratique chez les patients survivants à une noyade. 

 

L'hypothermie

L’hypothermie est constante lors de la noyade.

 

 

Conclusion

Même s’il existe des différences physiopathologiques entre une noyade en eau douce et une noyade en eau salée — notamment sur l’effet de l’eau sur le surfactant, les échanges osmotiques ou les troubles électrolytiques — leur impact réel chez l’être humain est souvent moins important que ce que montrent les modèles expérimentaux. 

En réalité, la quantité d’eau inhalée est rarement suffisante pour provoquer des déséquilibres majeurs, et les conséquences cliniques sont globalement les mêmes : hypoxie, œdème pulmonaire et détresse respiratoire. L’eau salée peut parfois provoquer une inflammation pulmonaire plus marquée, mais une atteinte respiratoire sévère peut arriver quel que soit le type d’eau.

Au final, peu importe l’eau : la prise en charge d’une noyade repose toujours sur les mêmes gestes essentiels — libérer les voies respiratoires, ventiler, réchauffer, alerter et surveiller. Ce qui compte vraiment, ce n’est pas la nature de l’eau, mais la capacité à intervenir efficacement et rapidement.

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Les points clés

 La noyade entraîne une inondation alvéolaire, une hypoxémie et un œdème pulmonaire, quelle que soit la nature du liquide.

 Eau douce et eau salée provoquent des effets physiopathologiques différents, notamment sur le surfactant, les mouvements osmotiques et les troubles électrolytiques

L’eau salée induit davantage de réactions inflammatoires pulmonaires et un risque accru de S.D.R.A., contrairement à l’eau douce qui provoque plutôt une atélectasie

 

 

 

 

 

Sources de l'article  : 

https://sfar.org/wp-content/uploads/2014/04/02_Michelet.pdf chrome-
https://cprguidelines.eu/assets/guidelines-translations/2021-ERC-Guidelines-Executive-Summary-FR_V2.pdf
Gonzalez et al. (2019) - Physiology of drowning: freshwater versus saltwater - Journal of Emergency Medicine.
Brent et al. (2018) - Drowning: A review of pathophysiology and management - Critical Care Medicine.
S. J. W. Denny et al., "Pathophysiology of drowning," The Clinical Respiratory Journal, 2019
G. M. Becker et al., "Pulmonary complications after drowning," Chest, 2017

Date de dernière mise à jour : 03/07/2025

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