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L'oxygénothérapie en soins aigus

 

 

Laisser de l'air à vos patients... mais pas trop !

 

 

 

L'oxygène est une ressource indispensable pour l’organisme, fréquemment administrée dans les soins aigus. Bien que l’oxygénothérapie soit nécessaire en cas d’hypoxémie, une utilisation inappropriée peut entraîner une hyperoxie, avec de nombreux effets secondaires potentiellement délétères. L'oxygénation n'est donc pas sans risque, et l'oxygène doit être considéré comme un médicament, nécessitant une prescription raisonnée qui prend en compte les bénéfices et les risques spécifiques au patient.

 

 

Normes de l’oxygénation et définition de l’hypoxémie

Chez un adulte sain, la saturation artérielle en oxygène (SaO2) se situe généralement entre 94 % et 98 % au niveau de la mer. Avec l’âge, elle peut baisser progressivement pour atteindre environ 92 % à 95 % chez les patients de plus de 70 ans, sans pathologie sous-jacente. L’hypoxémie se définit par une PaO2 (pression partielle artérielle en oxygène) inférieure à 8 kPa (60 mmHg) ou par une SaO2 inférieure à 92 % en conditions d'air ambiant.

 

 

Mesures de l’oxygénation

Différentes méthodes permettent de mesurer l’oxygénation des patients :

  • Mesure non invasive : la SpO2 (saturation pulsée en oxygène) est mesurée par pléthysmographie et représente une estimation de la SaO2 en exprimant le pourcentage d’oxyhémoglobine.
  • Mesures invasives :
    • SaO2  : mesurée par gaz du sang artériel, la SaO2 correspond au pourcentage d’oxygène lié à l’hémoglobine dans le sang artériel.
    • PaO2  : cette pression partielle d'oxygène dans le sang artériel reflète la quantité d’oxygène dissous. Son interprétation clinique est améliorée par le rapport PaO2 /FiO2  (fraction inspirée en oxygène), utilisé pour évaluer l’oxygénation dans divers contextes d’oxygénothérapie et ventilation.
  • La FiO2 : la fraction inspirée en oxygène qui est de 21 % dans l’air ambiant varie en fonction des méthodes d’oxygénothérapie, permettant une augmentation progressive jusqu’à 100 % en soins intensifs.

 

 

Effets secondaires de l’hyperoxie

Une administration excessive et prolongée d'oxygène peut induire une hyperoxie, susceptible d'affecter plusieurs systèmes par divers mécanismes physiopathologiques :

  • Système pulmonaire : Une hyperoxie prolongée peut réduire la production de surfactant et provoquer une atélectasie alvéolaire d'absorption, due à la substitution de l'azote par l'oxygène dans les alvéoles, conduisant au collapsus alvéolaire.
  • Système cardiovasculaire : L’hyperoxie entraîne une augmentation des résistances vasculaires systémiques, ce qui accroît le travail cardiaque tout en réduisant le débit cardiaque. Par ailleurs, elle peut induire une vasoconstriction coronarienne, compromettant la perfusion myocardique.
  • Système neurologique : Une forte concentration d’oxygène entraîne une vasoconstriction cérébrale, pouvant réduire le flux sanguin cérébral jusqu'à 33 % chez les adultes sains, ce qui peut affecter l’apport en oxygène au niveau cérébral.
  • Système métabolique : L’hyperoxie influence l'effet Haldane, augmentant l'affinité de l'hémoglobine pour l'O2 , ce qui diminue sa capacité de transport du CO2 . Cela peut entraîner une rétention de CO2 , un phénomène particulièrement problématique chez les patients présentant une insuffisance respiratoire chronique, comme les patients atteints de BPCO.
  • Système néphro-urinaire : La vasoconstriction induite par l’hyperoxie peut réduire la perfusion rénale, affectant potentiellement la fonction rénale.
  • Autres effets : L’hyperoxie est également associée à une augmentation des espèces réactives de l’oxygène, entraînant un stress oxydatif pouvant conduire à des dommages cellulaires, une dysfonction mitochondriale, et dans certains cas, une acidose lactique liée à une perfusion tissulaire altérée.

En résumé et de manière totalement contre-intuitive, une hyperoxygénation peut aboutir à une diminution de l’oxygénation de certains tissus tels que le cœur ou le cerveau.

 

 

Cas particuliers : Patients souffrant de BPCO ou d’hypoventilation liée à l’obésité

Chez les patients obèses souffrant d’hypoventilation, une hypoxémie apparente détectée par oxymétrie de pouls peut conduire à l’administration d’oxygène. Cependant, si l’hypoxémie est due à une hypoventilation et non à une défaillance d'oxygénation, l’oxygénothérapie risque d’aggraver l’hypercapnie par l’effet Haldane. Ce phénomène est aussi fréquent chez les patients atteints de BPCO, pour lesquels une administration excessive d'oxygène peut aggraver l'hypercapnie, d’où l'importance d'un ajustement soigneux de l'oxygénothérapie avec des cibles de SaO2 réduites (88-92 %).

En conclusion, l'oxygénothérapie doit être utilisée de manière judicieuse et individualisée pour optimiser les bénéfices thérapeutiques tout en minimisant les risques associés à l'hyperoxie. Il n’y a aucun intérêt médical à prescrire de l’oxygène pour atteindre une saturation de 100 %. Il est mieux toléré, et moins risqué pour le patient, de prescrire de l’oxygène avec une saturation cible > 95 %.

 

 

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Les points clés

 L’oxygénothérapie, bien que bénéfique en cas d’hypoxémie, doit être utilisée avec précaution pour éviter les effets délétères de l’hyperoxie.

 Chez les patients à risque, comme ceux atteints de BPCO, un ajustement prudent de l’oxygène est crucial pour prévenir l’hypercapnie.

L’oxygène est un médicament et doit être prescrit avec des objectifs de saturation individualisés pour maximiser les bénéfices et minimiser les risques

 

 

 

 

 

Les sources de l'article
https://www.msdmanuals.com
https://www.revmed.ch
https://splf.fr

 

 

Les sources de l'image :
https://medictests.com

Date de dernière mise à jour : 13/09/2025

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