L'hypothermie se définit par une température corporelle centrale inférieure à 35°C. Elle survient lorsque la production de chaleur par l’organisme devient inférieure aux pertes caloriques. Bien que plus fréquente lors des saisons froides, l’hypothermie peut se manifester dans diverses circonstances, notamment en cas d’immobilisation prolongée sur des surfaces froides, ou lors d’une immersion dans l’eau, même en été.
L’hypothermie ralentit progressivement les fonctions physiologiques, incluant les systèmes respiratoire, cardiovasculaire, neurologique et le métabolisme. La thermorégulation, qui aide normalement à stabiliser la température interne, devient inefficace dès que la température centrale passe sous 32°C, avec un arrêt total des frissons autour de 30°C. En dessous de ce seuil, un réchauffement externe devient indispensable pour restaurer une température corporelle compatible avec la vie.
Les stades de l’hypothermie peuvent varier selon les sources. Le plus couramment utilisé est le Swiss Staging System qui se définit comme suit :
- Hypothermie légère (ou stade I) : Température centrale entre 32°C et 35°C. La personne est souvent consciente et présente des frissons, une tachycardie et une vasoconstriction.
- Hypothermie modérée (ou stade II) : Température centrale entre 28°C et 32°C. Elle se manifeste par une altération de la conscience, une diminution des réflexes et une possible perte des frissons.
- Hypothermie sévère (ou stade III) : Température centrale entre 24°C et 28°C. Les patients sont généralement inconscients et peuvent présenter une bradycardie, une hypotension, et un risque élevé d'arrêt cardiaque.
- Hypothermie profonde (ou stade IV) : Température en dessous de 24°C. C'est un stade critique souvent associé à un arrêt cardiaque ou une absence de signes vitaux évidents, bien que des tentatives de réanimation puissent encore réussir.
Les signes cliniques de l’hypothermie incluent des frissons, une peau froide et cyanosée (bleue) et une altération de la vigilance. Le système cardiovasculaire peut initialement accélérer pour compenser les pertes de chaleur, mais une bradycardie survient souvent lorsque la température descend sous 32°C. Le risque de fibrillation ventriculaire augmente fortement en dessous de 28°C, et une asystolie devient inévitable sous 24°C.
Lors d’une immersion dans l’eau froide, un réflexe d’apnée peut survenir, accompagné d’une vasoconstriction périphérique visant à préserver le flux sanguin vers les organes vitaux (cerveau, cœur). Ce réflexe est particulièrement prononcé chez les jeunes enfants et leur confère une certaine protection contre l’hypoxie cérébrale en ralentissant le métabolisme.
Prise en charge et réchauffement
Le réchauffement d’un patient en hypothermie doit être progressif et sous surveillance, en raison du risque de fibrillation ventriculaire, qui est souvent résistante à la défibrillation sous 30°C. La prise en charge en fonction des stades d’hypothermies :
- Hypothermie légère (35°C - 32°C)
- Objectif de réchauffement : Le réchauffement passif est souvent suffisant.
- Méthodes de réchauffement :
- Réchauffement passif : Utilisation de couvertures chaudes, isolement thermique pour réduire les pertes de chaleur (couvertures ou vêtements secs et isolants).
- Réchauffement actif externe léger : Chauffage de la pièce, utilisation de couvertures chauffantes si nécessaire.
- Surveillance des signes vitaux et de la température centrale.
- 2. Hypothermie modérée (32°C - 28°C)
- Objectif de réchauffement : Réchauffement actif pour augmenter la température corporelle centrale.
- Méthodes de réchauffement :
- Réchauffement externe actif : Utilisation de couvertures chauffantes, dispositifs de réchauffement de l’air (matelas chauffants, couvertures d’air pulsé).
- Réchauffement interne léger : Administration de solutés chauffés (37-40°C) par voie intraveineuse.
- Oxygénation chauffée et humidifiée : Oxygène humidifié et chauffé pour réchauffer les voies respiratoires.
- Surveillance attentive des signes de complications, y compris l’aftedrop (arrêt cardiaque dû à une vasodilatation brutale) et les arythmies cardiaques (Chez le patient hypotherme, il existe un phénomène appelé « afterdrop »).
- Hypothermie sévère et profonde (< 28°C)
- Objectif de réchauffement : Réchauffement agressif en raison du risque élevé d’arrêt cardiaque et de complications graves.
- Méthodes de réchauffement intensives :
- Réchauffement interne actif : Perfusions intraveineuses de solutés chauds et, dans les cas sévères, dispositifs de réchauffement par circulation extracorporelle (ECMO ou CEC), surtout si le patient est en arrêt cardiaque ou si la température est inférieure à 20°C.
- Lavage de cavités internes : Lavage péritonéal ou pleural avec des solutions chauffées (en dernier recours ou en milieu spécialisé).
- Oxygénation chauffée et humidifiée : Utilisation d’oxygène chaud (entre 42-46°C) pour une réchauffe plus rapide des voies respiratoires.
- Surveillance intensive :
- La défibrillation peut être tentée, mais les chocs sont souvent moins efficaces lorsque la température centrale est en dessous de 30°C.
- Les médicaments (ex. adrénaline) doivent être administrés avec précaution en raison de la baisse du métabolisme. Plus la température centrale est basse plus l’adrénaline sera inefficace.
- Maintenir une surveillance étroite des signes vitaux, avec prise en charge avancée pour éviter les arythmies et la récidive de l’hypothermie après réchauffement.
Généralités pour le réchauffement thérapeutique
- Taux de réchauffement : Visé à 0,5°C à 2°C par heure, en fonction de la stabilité du patient et du stade d’hypothermie.
- Surveillance de l’hypothermie de rebond : Après le réchauffement initial, le patient peut perdre de la chaleur rapidement en raison de la vasodilatation périphérique, ce qui nécessite des ajustements du plan de réchauffement.
- Critère de décès : Un patient ne doit pas être déclaré décédé d’hypothermie tant qu’il n’a pas été réchauffé jusqu'à une température proche de la normale, sauf en cas de blessures évidentes non compatibles avec la vie.