Lorsqu'un patient est pris en charge pour un traumatisme, les secouristes suivent un protocole systématique, imposant un collier cervical rigide si :
- Le patient est inconscient ou donne des réponses non fiables
- Il existe des signes d’atteinte du rachis cervical
- Le traumatisme est jugé à haut risque pour le rachis
- Le patient a plus de 65 ans ou des antécédents à risque
Bien que ces critères soient fréquents, les lésions cervicales graves sont rares (1,1 % chez un adulte conscient et stable hémodynamiquement). Ainsi, le collier cervical est très souvent posé par précaution, causant de l’inconfort et de la douleur inutiles.
Une fois le patient arrivé aux urgences, la question de retirer ce collier dès l’accueil se pose. En France, cette décision reste médicale. Toutefois, elle s’appuie sur certaines règles prédictives fiables étudiées pour être appliquées par un infirmier organisateur de l'accueil (IOA).
Deux règles sont reconnues pour évaluer le risque de lésion cervicale et limiter la réalisation d’imagerie inutile : la règle NEXUS et la règle canadienne (Canadian C-Spine Rule ou C.C.S.-R.). Ces règles aident à prédire l’absence de lésion grave permettant un retrait précoce du collier cervical et l’absence de nécessité d’imagerie.
La règle NEXUS
La règle NEXUS repose sur cinq critères cliniques :
- Douleur au niveau des apophyses épineuses cervicales.
- Déficit neurologique focalisé.
- Trouble de la vigilance.
- Intoxication.
- Douleur distractive importante (masquant une potentielle douleur cervicale).
Si aucun de ces critères n’est présent, le risque de lésion cervicale est très faible (Valeur Prédictive Négative = 99,9 %), et une imagerie cervicale n’est pas nécessaire. Cependant, cette règle reste peu discriminante, ne permettant d’éviter qu’environ 12 % des imageries.
La règle canadienne (C.C.S.-R)
La C.C.S.-R. est plus complète et repose sur des critères majeurs et mineurs.
Critères majeurs (imposant une imagerie) :
- Âge > 65 ans.
- Traumatisme à haut risque (collision à grande vitesse, chute de hauteur > 1 mètre ou >5 marches, etc.).
- Paresthésies des extrémités.
Critères mineurs (permettant un examen clinique approfondi avant imagerie) :
- Collision arrière à faible vitesse.
- Position assise bien tolérée aux urgences.
- Capacité de marcher après l'accident.
- Douleur cervicale apparue secondairement.
- Absence de douleur à la palpation des apophyses épineuses.
Si les critères majeurs sont absents, on évalue si le patient peut tourner spontanément la tête à 45° de chaque côté. En cas de réponse positive, une imagerie n’est pas nécessaire avec une certitude de 100 %. Cette règle permettrait de réduire de 41,7 % les colliers cervicaux inutiles. Elle reste toutefois peu discriminante, avec seulement 15,5 % de radiographies évitées.
Vers un retrait précoce du collier cervical et la prescription anticipée d’imagerie ?
Pour bien comprendre, il est important d’avoir quelques notions de base en statistiques et de saisir l’utilité de ces règles cliniques.
Ces règles permettent d’éliminer avec une grande fiabilité (99,9 %) la présence d’une fracture cervicale, réduisant ainsi le recours systématique à l’imagerie. Lorsqu’un patient répond à tous les critères requis, l’IOA peut rassurer rapidement le patient sur l’absence de fracture cervicale et envisager de retirer le collier cervical sans attendre d’imagerie.
La possibilité pour les infirmiers d’accueil de retirer un collier cervical en toute sécurité et sans contrôle médical semble donc hautement probable à l’avenir, si les règles NEXUS et C.C.S.-R. sont connues et respectées.
Il n’en va pas de même pour la prescription anticipée d’imagerie.
Si l’un des critères n’est pas rempli, la situation devient plus complexe.
Dans ce cas, la fiabilité du test pour détecter une lésion osseuse est de 41 %.
Il est important de comprendre que cela ne signifie pas que l’on identifierait 41 % de lésions osseuses chez ces patients traumatisés. Cela signifie que sur 100 patients avec une fracture avérée par radio, ce score ne permettrait de n'en identifier que 41 avant l'a radio'imagerie.
Ainsi, ces règles sont moins fiables que le hasard (50 % de fiabilité) pour prédire le risque de fracture. Elles ne doivent donc pas être utilisées dans ce but.
Par ailleurs, le choix de l’imagerie initiale dépend des lésions suspectées et de leurs risques. Ainsi, la décision de réaliser une imagerie, ainsi que le type d’examen (radiographie, scanner ou IRM en première intention), doit être basée sur un examen clinique approfondi. Cette décision relève exclusivement de la responsabilité du médecin et ne peut être déléguée à un IOA.
Pour information :
- En cas de forte suspicion de fracture, le scanner est l’examen de première intention.
- En cas de faible suspicion, une radiographie en 3 incidences pourra être réalisée.
Toutefois, cette dernière ne détecte pas les fractures dans 50 % des cas. Par conséquent, l’intérêt d’un examen pour une fracture cliniquement peu probable, avec un taux d’échec élevé (1 cas sur 2), peut être discuté. D’où l’intérêt de ne pas systématiser cet examen dans les suspicions faibles.
Conclusion
Les règles NEXUS et C.C.S.-R. sont des outils fiables pour évaluer les risques de lésion cervicale et pourraient permettre aux infirmiers d’accueil d’ôter les colliers cervicaux en toute sécurité, sous certaines conditions. Toutefois, dès qu’un critère impose une imagerie, une décision médicale reste indispensable pour assurer une prise en charge adaptée. Ces outils, bien appliqués, pourraient contribuer à réduire l’inconfort des patients et à rationaliser les ressources des urgences.