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L'oligoanalgésie

 

 

Stéréotypes + préjugés + douleur : Game Over

 

 

 

L'Association for the Study of Pain (I.A.S.P.) définit la douleur comme une «expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en termes évoquant une telle lésion». Bien que cette définition soit largement acceptée, il convient de préciser que la douleur peut survenir sans lésion tissulaire apparente, notamment dans les cas de douleurs neuropathiques chroniques, où la douleur persiste malgré l'absence de lésion physique manifeste.

Physiologiquement, la douleur peut être décomposée en plusieurs étapes et composantes, selon le modèle de la nociception (transduction, transmission, modulation et perception) et les différentes dimensions de la douleur, à savoir : la composante sensorielle, émotionnelle, cognitive et comportementale (La réponse douloureuse est composée de 4 étapes et 4 composantes).

En matière de traitement, la gestion de la douleur repose principalement sur l’utilisation d’antidouleurs, également appelés antalgiques ou analgésiques. Ces médicaments sont classés en quatre paliers, selon l’O.M.S.

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Oligoanalgésie

Le terme « oligoanalgésie » désigne une prise en charge insuffisante ou inappropriée de la douleur, souvent en raison de difficultés dans l'évaluation de la douleur ou dans l'administration des traitements antalgiques. L’oligoanalgésie peut être causée par plusieurs facteurs :

 

Difficultés d’évaluation de la douleur : L'évaluation de la douleur peut être complexe, en particulier chez les patients non communicants, tels que les jeunes enfants, les personnes âgées, ou ceux ayant des barrières linguistiques. Des outils d'évaluation adaptés doivent être utilisés pour surmonter ces difficultés. Par exemple, des échelles comme l'échelle visuelle analogique (E.V.A.), la méthode des visages pour les enfants, ou encore des échelles comportementales peuvent être employées pour évaluer la douleur chez des patients non verbaux. La reconnaissance de signes cliniques de douleur (agitation, grimaces, etc.) est cruciale dans ces contextes.

 

Difficultés dans la gestion de la douleur : 

  • Contexte d’urgence : En situation d'urgence, la priorité est souvent donnée à la gestion de l'urgence vitale, notamment la réanimation et la stabilisation des fonctions physiologiques. Bien que la gestion de la douleur soit essentielle, elle peut être reléguée au second plan dans les situations où la survie immédiate du patient est en jeu. Cependant, il est désormais bien reconnu que soulager la douleur rapidement contribue à réduire le stress physiologique et améliorer les résultats cliniques.
  • Limites des traitements antalgiques : Comme tout médicament, les antalgiques présentent des effets secondaires qui doivent être pris en compte lors de leur administration. Par exemple, l’utilisation d’analgésiques opioïdes doit être surveillée attentivement en raison du risque de dépression respiratoire, en particulier chez les personnes âgées ou celles présentant une insuffisance respiratoire, rénale ou hépatique. De plus, des traitements alternatifs ou complémentaires (par exemple, les anesthésiques locaux ou les anti-inflammatoires) peuvent être nécessaires pour contrôler efficacement la douleur, en fonction de l’étiologie de celle-ci.
  • Compétences des intervenants et ressources disponibles : La mise en place d’un traitement analgésique efficace dépend des compétences (au niveau législatif) des intervenants et des ressources à leur disposition. Par exemple, dans certains environnements (services d’urgences, soins préhospitaliers), les protocoles, le temps par patients ou l’absence de personnel suffisamment formé peuvent limiter l’accessibilité aux traitements antalgiques adaptés. De plus, certaines thérapies (comme la titration de morphine ou l'analgésie post-opératoire) nécessitent des équipements de surveillance spécifiques, qui ne sont pas toujours disponibles dans toutes les structures. Enfin, certaines techniques de co-analgésie dont l’hypnose sont encore peu employés par manque de temps, de formation et de leur arrivée récente dans le monde des soins.

 

  • Subjectivité de l’évaluation de la douleur et préjugés : Les échelles d’évaluation de la douleur sont, par nature, subjectives, car elles dépendent à la fois de l'interprétation du soignant et de la perception personnelle du patient. Les résultats obtenus à partir de ces échelles sont fréquemment remis en question par les professionnels de santé, qui peuvent avoir tendance à sous-estimer les doses d’antalgiques prescrites. En effet, l’expérience personnelle de chaque soignant entre en interaction avec la réalité vécue par le patient : qui n’a jamais ressenti un dilemme après avoir administré un analgésique puissant à un patient souffrant de dépendance aux opiacés ? Qui n’a jamais eu l'impression que l’expression faciale du patient ne correspondait pas à la douleur indiquée sur l’échelle visuelle analogique (E.V.A.) ? Qui n’a jamais eu une identification empathique envers un patient, ou, au contraire, pensé que ce dernier « exagérait » ou semblait simplement angoissé plutôt que réellement douloureux ?
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Prise en charge non médicamenteuse de la douleur

Bien que la gestion pharmacologique de la douleur soit essentielle, elle n'est pas toujours la seule approche. Des stratégies non médicamenteuses peuvent être employées, notamment en complément de traitements médicamenteux. Parmi ces approches, on trouve l'immobilisation, les thérapies par le chaud et le froid, l’électrostimulation, l’oxygénothérapie, l’hypnose, qui peuvent contribuer à la gestion de la douleur, en particulier dans le cadre d’une prise en charge multimodale. L'intégration de ces méthodes permet d'éviter l’oligoanalgésie en offrant une réponse plus complète à la douleur, notamment lorsque l’approche médicamenteuse est limitée par des contre-indications ou des effets indésirables.

 

 

Fausse croyance : la douleur et l'examen clinique

Il existe une idée erronée, véhiculée le plus souvent par nos patients, selon laquelle la douleur ne doit pas être soulagée avant un examen clinique, afin de mieux identifier l’origine de la douleur ou par peur de ne pas être cru. En réalité, il est plus facile de réaliser un examen clinique sur un patient dont la douleur a été soulagée, car ce dernier sera plus réceptif et plus en mesure de fournir des informations sur son expérience douloureuse. Un patient souffrant d'une douleur intense adopte souvent des postures de défense (« chien de fusil »), ce qui peut rendre l'examen difficile, voire impossible. Il est donc préférable de gérer la douleur dès que possible, cela ne compromettra pas l'examen clinique.

 

 

Rôle des équipes douleur

Les équipes douleur (ou unités douleur) jouent un rôle essentiel dans la gestion de la douleur, notamment en apportant un soutien spécialisé aux équipes soignantes. Ces équipes fournissent une expertise pour une prise en charge globale et individualisée de la douleur, en tenant compte des facteurs psychologiques, sociaux et physiopathologiques. La réponse à la douleur n'est pas toujours strictement médicamenteuse mais souvent multimodale. 

Toutefois, ces équipes ne peuvent pas prendre en charge l’ensemble des patients douloureux et sont le plus souvent sollicité lors de douleur réfractaires, chroniques ou en lien avec une pathologie au long cours. Elles n’ont pour l’instant qu’un rôle anecdotique dans les prises en charge d’urgence.

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Les points clés

 L’oligoanalgésie est une prise en charge insuffisante de la douleur. Elle peut avoir plusieurs origines

 La gestion de la douleur doit être multimodale, combinant traitements médicamenteux et non médicamenteux, pour être pleinement efficace

Les stéréotypes ou préjugés, notamment envers les femmes, peuvent influencer négativement l’évaluation et le traitement de la douleur dans le milieu médical

 

 

 

 

 

Les sources de l'article :
https://www.sfetd-douleur.org
https://www.chu-nantes.fr
https://sofia.medicalistes.fr
https://www.sfetd-douleur.org

 

 

Les sources de l'image
http://kba.k.b.pic.centerblog.net
https://pubandgifts.fr

Date de dernière mise à jour : 02/05/2025

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